mardi 20 mars 2012

Le rescapé de la Terre (P.-J. Hérault)


Fin du 23ème siècle, les tensions politiques exacerbées entre la Terre et Mars ont dégénéré jusqu’au point de non-retour. Les fusées longue portée ont été lancées de part et d’autre, transportant leur charge d’antimatière…  Placé in extremis dans une capsule de survie, en état de stase à l’issue d’une banale intervention chirurgicale, Cal ne se réveillera pas dix jours plus tard sur terre mais des milliers et des milliers d’années plus tard, son vaisseau, une capsule pénitentiaire,  orbitant autour d’une planète bleue inconnue. Il lui faudra atterrir… et survivre.
Disons-le d’emblée, Le rescapé de la terre n’est pas de la Hard Science. L'objectif du roman n'est pas de nous faire ingurgiter de grandes digressions scientifiques, et d'ailleurs il ne s'y essaie même pas ... mais bien de faire rêver et là, il y réussit pleinement. Si, dans les lignes qui suivent, je me suis amusé à analyser les incohérences et occultations qui figurent dans le roman, ce n’est absolument pas pour dénigrer l’auteur (qui reste un de mes auteurs préférés de SF « à la française »)  mais pour rester honnête vis à vis des autres romans qui figurent dans ce blog. De surcroît les effets, surestimés,  que l’on pouvait, à l’époque, attendre de nouvelles technologies ont été recadrés de nos jours dans un contexte plus réaliste. Aucune exoplanète n’avait encore été découverte, les seules planètes connues étant celles du système solaire.
Remontons donc le temps et découvrons celui qui n'était pas encore connu sous le nom de Cal de Ter…
« La Terre a sauté  et Cal se retrouve des millénaires plus tard sur une planète habitable. »…  annonce la quatrième de couverture. Le style est incisif, fonctionnel, journalistique. L’auteur va à l’essentiel. Les scènes sont présentées comme  un reportage (on se souvient que l’auteur est journaliste).
Essayons d’analyser quelques situations sans dévoiler l’intégralité de l’intrigue.
On apprend dans le récit que la Terre a sauté suite à une guerre éclair entre La Terre et la colonie martienne, conflit dû à un refus de Mars de livrer du minerai. Pourquoi une telle situation ? Pas besoin de lancer de fusées antimatière  sur une colonie, non auto-suffisante. Il suffit simplement de décréter un embargo, bien moins dispendieux.  Le fameux concept de l’antimatière mis à toutes les sauces dans la science-fiction de l’époque (et même aujourd’hui) était considéré comme l’énergie du futur alors que l’on sait maintenant que sa production nécessiterait plus d’énergie qu’elle ne pourrait en fournir. Passons sur le mode de propulsion de la capsule carcérale dans laquelle se retrouve le héros. Quel est-il ? Quid du système de propulsion : subluminique, transdistorsionnel ? 
Quoiqu’il en soit, la taille de la capsule ne permet, logiquement, aucune de ces deux technologies. Que penser également de la politique d’envoyer un criminel dans l’espace (puisque le héros a été placé à son insu dans une telle capsule) ? Outre le coût prohibitif de l’opération, envoyer un tel individu comme éventuel ambassadeur de la Terre auprès de populations (humaines ?), semble une aberration, tant sur le plan financier que sociologique. Contrairement aux bateaux qui déposaient ce genre d’individus sur une île supposée déserte, ce qui n’entraînait que peu de dépenses énergétiques, la dépense serait dans ce cas dispendieuse, hors nous l’avons vu plus haut, les réalités économiques inhérentes à la fourniture de ressources, ont induit la destruction de la Terre. Si le héros, Cal, est dépourvu de sentiments belliqueux et minimise au maximum son ingérence avec le peuple des Vahussis (une des populations indigènes parmi laquelle il s’est établi) que se serait-il passé si un criminel endurci avait été à sa place ?
Bien évidemment, il faut se replacer dans le contexte de l’époque. Un tel roman aurait moins de chances d'être apprécié aujourd’hui alors que le lectorat est devenu beaucoup plus exigeant quant aux explications des technologies, aux motivations, aux sentiments des protagonistes, à leur interaction avec le milieu.
Sous son aspect « roman d'aventures », l'auteur nous permet donc de nous interroger sur certaines questions essentielles quant à la rencontre de deux cultures. Le rescapé de la Terre, représentatif d'un courant littéraire héritier du roman feuilleton se lit facilement tout en permettant de se poser quelques questions.
(Article initialement publié sur de terres et de mots... le 11 mars 2012)

Note 7/10

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire